ALLAIN BOUGRAIN DUBOURG, PRÉSIDENT D’HONNEUR
Temps de lecture : 3 minutesPrendre le large.
S’enivrer d’iode et savourer le sel, se laisser caresser par la bise et gifler par le vent. Chevaucher la vague pour accueillir la suivante.
Faire de l’inaccessible horizon son proche complice. Fantasmer l’ailleurs, lui prêter d’improbables vertus. S’épanouir d’espoir.
Prendre le large s’apparente autant à la conquête qu’à la fuite. Combien d’auteurs ont délaissé leur racine pour l’exil ? Gary, Hemingway, Ionesco, Miller ont choisi la France pour terre d’adoption.
Prendre le large consiste aussi à rester sédentaire en ouvrant les yeux, en portant attention aux plus modestes créatures, trop souvent ignorées. Pénétrez dans l’intimité de l’araignée tissant sa toile, observez la musaraigne débusquant une larve, attardez-vous sur le lézard se léchant l’œil et vous prendrez le large. Être curieux de nature génère l’évasion, l’invitation à l’inattendu et à l’énigmatique.
Prendre le large, tant d’interprétations possibles ! Mais la première d’entre elles n’est-elle pas, avant tout d’être lucide ?
En embrassant la planète d’un regard comme le fond les astronautes, l’évidence s’impose. La beauté, panachée d’une pathétique fragilité, éblouit les consciences. La planète, plus océanique que terrestre, mérite compassion et respect ! Toute chose qu’ici-bas nous négligeons. La biodiversité, autrefois endommagée parce que méconnue, devient sinistrée parce qu’ignorée.
Prendre le large c’est nécessairement un voyage intérieur qui nous guide vers le bon chemin.
Une précaution cependant, dès que l’on prend le large, ne pas oublier de le ramener. D’autres pourraient en avoir besoin !
Allain Bougrain Dubourg
Avec Allain Bougrain Dubourg, « prendre le large », c’est partir à tire d’ailes vers l’horizon avec les mouettes, les goélands, les cormorans, les puffins ou les grèbes. Et s’il connaît bien les oiseaux marins des côtes niçoises, il connaît autant les oiseaux d’un peu partout. Mais le médiatique président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) a des combats qui l’entraînent loin dans la défense de toutes les espèces et de leur fragile biotope. Allain Bougrain Dubourg a la vocation de la cause animale. Cela l’a saisi enfant. Au Muséum d’histoire naturelle de La Rochelle, sur les plages l’Île de Ré. « La question m’obsédait. Qu’y avait-il derrière l’horizon se dessinant au large ? La vie sauvage, bien sûr ! »
Il imagine, il rêve, il fait son apprentissage de naturaliste. Il observe patiemment, il étudie. Et surtout il se révolte, se met en colère, dès qu’il comprend à quel point les hommes saccagent la nature. Marées noires, déchets toxiques, pesticides, destruction des espèces protégées, chasses et pêches illégales, abusives. Cette révolte ne le quittera jamais. Elle est l’aiguillon de son absolue passion pour le vivant. Journaliste, producteur et réalisateur de télévision il n’a eu de cesse de partager son enthousiasme et ses convictions. On se souvient de ses émissions : « Des animaux et des hommes », « Terre des bêtes », « Animalia »… Sur RTL, chaque samedi dans « On refait la planète », il aborde les grands défis environnementaux auxquels nous sommes tous confrontés.
Allain Bougrain-Dubourg est aussi un écrivain engagé. Son premier livre, L’agonie des bébés phoques (Presses de la Cité. 1978) portait témoignage du sanglant massacre des blanchons sur la banquise pour leur fourrure. Quelle vigueur dans la dénonciation ! Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont, récemment, un Dictionnaire amoureux des oiseaux (Plon. 2022) et un Dictionnaire amoureux de la vie sauvage (Plon. 2024). « Aimer, souffrir, tricher, aider, rire ne sont pas le propre de l’homme, écrit-il. Les bêtes empruntent nos travers à moins que ce soient nous qui, plus probablement, les avons plagiés. »
À deux mois de l’ouverture de la 3e Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC-3) qui se tiendra à Nice du 9 au 13 juin 2025 et où vont se discuter les actions nécessaires pour protéger, conserver et utiliser durablement les océans et les ressources marines, le choix d’un président du Festival du Livre aussi impliqué dans la sauvegarde de l’environnement est un signe fort. Et la promesse de discussions et de débats captivants.
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